À l’occasion d’une conférence, Hideo Kojima a partagé ses motivations quotidiennes après ses déboires avec Konami. À ses côtés, le réalisateur Nicolas Winding Refn a évoqué sa rencontre et son amitié avec le créateur japonais.
Sept ans après sa masterclass à l’Apple Store de Ginza où il discutait déjà de son travail, Hideo Kojima a redonné rendez-vous aux fans japonais, jeudi dernier dans la soirée. Il faut dire qu’il s’en est passé des choses depuis cette époque, à commencer par l’indépendance conquise par Kojima Productions fin 2015. « J’aime créer des choses » explique Hideo Kojima à un spectateur qui lui demanda comment il trouvait encore la force de continuer à créer des jeux après ses déboires avec Konami. « Parfois, c’est difficile » continue Kojima. « Quand c’est le cas, je prends le temps de visionner le making of du film Abyss de James Cameron. Sa réalisation a été un véritable calvaire. Il m’arrive aussi de regarder le documentaire de Nicolas Winding Refn qui parle de ses épreuves cinématographiques. Tout cela me redonne du courage. Ensuite, je prends des vitamines et je me remets en selle. Je pense que j’apprécie vraiment mon travail car, dans le cas contraire, je n’aurais jamais pu achever l’ombre d’une chose. Je dois tout simplement croire en moi. »
La page Metal Gear étant définitivement tournée, Hideo Kojima se consacre pleinement à Death Stranding aujourd’hui. Si son nouveau projet personnel reste encore très mystérieux à ce jour, l’inspiration du Japonais semble toujours être aussi prolifique que par le passé. « L’inspiration me hante toute la journée, sans interruption » précise Hideo Kojima. « Il faut être attentif à tout ce qui vous entoure, en écoutant de la musique, en parlant avec du monde, en voyageant, en regardant des films, en lisant des livres, en se promenant dans son quartier, en observant les oiseaux et le ciel. Toutes ces choses m’influencent beaucoup. L’exercice le plus difficile réside, sans aucun doute, dans le fait de pouvoir transformer toutes ces influences en une forme exploitable. »
Cette année, Hideo Kojima n’est pas venu seul à l’Apple Store de Ginza. À ses côtés, son ami Nicolas Winding Refn est venu, lui aussi, discuter de ses réalisations cinématographiques, à l’image de son dernier film The Neon Demon. Les deux créateurs se sont rencontrés lorsque Hideo Kojima a manifesté son vif intérêt pour le film Valhalla Rising, sorti en 2009, avec Mads Mikkelsen dans le rôle principal. « Je voulais vraiment rencontrer Mads Mikkelsen. J’ai demandé son numéro à Nicolas Winding Refn » raconte Hideo Kojima en plaisantant. L’histoire ne nous dira pas (encore) si l’acteur danois jouera un rôle dans Death Stranding.
« J’étais vraiment fasciné par le travail de Hideo Kojima parce qu’il est totalement différent du mien » se souvient Nicolas Winding Refn en évoquant sa première rencontre avec Hideo Kojima. « J’ai pris un avion de ma Copenhague natale pour me rendre à Londres, le lieu de notre rendez-vous, où nous avons dîné ensemble. Nos échanges étaient marqués par une sorte de sérénité. Nous n’éprouvions pas le besoin de parler beaucoup, car nous nous comprenions très bien. C’est d’ailleurs devenu les fondations principales de notre amitié. »
Grands mélomanes, les deux réalisateurs partagent l’idée selon laquelle la musique tient un rôle prépondérant dans leurs productions respectives. « Que ce soit pour les films ou les jeux vidéo, la musique est essentielle » affirme Hideo Kojima. « 50%, voir 60% se résument à la musique. Je trouve que l’utilisation de la musique par Nicolas Winding Refn est fantastique. Certains réalisateurs tournent d’abord leurs films puis ils y ajoutent de la musique. Je suis convaincu que lorsque Refn écrit son scénario, il a déjà la musique de son film en tête. Ainsi, les images et le son ne font plus qu’un. »
Inutile de préciser que durant cette conversation, Hideo Kojima et Nicolas Winding Refn ont très souvent loué le travail de l’autre. À l’évidence, ce qui unit les deux réalisateurs est une passion commune pour leur travail, mais pas seulement. « Parfois, il est très difficile de partager sa créativité, même avec sa famille. C’est une activité très solitaire, en quelque sorte » admet Nicolas Winding Refn. « À la fin du processus de création élaboré avec votre équipe, vous finissez toujours par prendre la décision finale. Il est donc très difficile de partager cela avec des personnes qui ne baignent pas dans le métier. C’est l’une des choses que je partage avec Hideo Kojima. C’est, en quelque sorte, un « mariage » formidable, parce que nous venons de deux mondes artistiques différents. »
Des propos que le réalisateur danois avait déjà esquissé dans le documentaire « Metal Gear Solid Legacy » disponible sur le Blu-ray bonus de Metal Gear Solid V : The Phantom Pain. « Le point commun que je partage avec Kojima c’est qu’on est très famille. On a des vies très banales avec femmes et enfants. Rien de très excitant au quotidien. Mais notre imagination et notre créativité nous emmènent dans des coins inexplorés. »
« Hideo Kojima est un idéaliste. C’est lui qui a dévoilé tout ce que recèlent les jeux vidéo aux gens qui, comme moi, en avaient une vision étriquée. C’est le Dali du jeu vidéo. La technologie joue un rôle essentiel. Moi, je peux filmer deux personnes avec une caméra. Mais Hideo Kojima a toute une armée de programmeurs qui vont faire coller le tout ensemble. Savoir ce qui est faisable ou non, c’est une gymnastique très intéressante. Le montage, les mouvements de caméra, la subjectivité, le frisson, l’utilisation de la musique,… Je l’ai vu se servir de sa caméra pour structurer l’histoire de manière captivante » racontait Nicolas Winding Refn dans le documentaire, avant d’aborder le cas de Metal Gear Solid V : The Phantom Pain.
« J’ai vu Hideo Kojima à Los Angeles, il y a sept ou huit mois [ndlr : durant l’année 2015]. Il m’a expliqué ses projets en cours. The Phantom Pain et le personnage de Snake sont de parfaits exemples de ce que je sais faire, à savoir raconter une histoire sous un angle cinématographique combiné à une approche interactive. J’étais fasciné par l’idée qu’en toute conscience, Hideo Kojima nous force à faire certains choix. Les petits détails auxquels il s’attache, c’est ce qui fait la différence. Si je tourne dans une maison, je passe du temps sur les rideaux parce que c’est le dernier des détails. Lui, il va s’attarder sur le clignement de l’œil du cheval. Hideo Kojima est d’un perfectionnisme à toute épreuve. »
Captivant 🙂
Ben il a quand même demandé son 06 ce n’est pas rien ^^