Les journalistes qui l’ont rencontré sont unanimes, Hideo Kojima est heureux d’être là où il est aujourd’hui. Metal Gear ne lui manque pas. Pour lui, c’est terminé ! Aujourd’hui, le créateur japonais se dit chanceux d’avoir enfin l’opportunité de repartir de zéro avec son propre studio, le nouveau Kojima Productions.
« Actuellement, je suis en train de constituer une équipe, de chercher les équipements, de trouver le moteur graphique que nous allons utiliser, d’établir un environnement de travail pour le studio, et de tester la technologie. Je fais tout cela simultanément. »
Si le papa de Snake semble avancer d’un pas assuré aujourd’hui, cela n’a pas toujours été le cas. Après son départ de Konami, Hideo Kojima ne savait pas encore ce qu’il allait faire. Les idées se bousculaient dans sa tête et les offres pleuvaient de partout. « Initialement, après avoir travaillé pendant trente ans, je comptais faire une année sabbatique. Mais si je ne continue pas à créer, je risque de rouiller. Je ne voulais pas faire un blockbuster, mais quelque chose d’autre. J’ai même pensé à faire un petit film. Cependant, après en avoir parlé avec plusieurs amis et à des fans, nombreux d’entre eux m’ont dit qu’ils attendaient beaucoup mon prochain projet, en espérant que c’en soit un gros. J’ai donc pesé le pour et le contre et je me suis décidé à travailler sur ce que nous faisons aujourd’hui. »
Lancé dans un nouveau projet, Hideo Kojima n’a pas jeté ses autres idées pour autant. « Si ce premier projet échoue. Nous n’aurons pas d’avenir à proprement parler. C’est pourquoi nous sommes particulièrement concentrés sur ce projet. C’est un gros jeu, nous devons donc être très prudents. Idéalement, quand les choses seront sur la bonne voie et que nous auront une marge suffisante, j’aimerais travailler sur des films, des animés et d’autres choses. Si c’est un film, je souhaite tout faire. Je veux m’occuper du planning, de la réalisation et de l’écriture. Je serai le genre de personne que Hollywood déteste. »
Même si le risque est important, Hideo Kojima peut compter sur un soutien de poids. « J’étais heureux de recevoir de nombreuses offres de la part de beaucoup de gens, de studios et d’éditeurs des quatre coins du monde. Toutefois, je connais Sony depuis longtemps. C’est juste une question de confiance. » De plus, Hideo Kojima tient à souligner qu’il a carte blanche pour son projet. « Sony ne contrôle pas ce que je fais. Cela fait partie de nos conditions. Sony a beaucoup de respect pour moi et pour mon travail. C’est vraiment agréable et plaisant. » Dès lors, peut-on s’attendre à une collaboration avec un autre créateur ? Hideo Kojima reste prudent. « Je ne suis pas contre mais les fans souhaitent un jeu avec 80 à 90 pourcent de mon ADN. Une collaboration réduirait mon influence. Cela pourrait venir avec d’autres projets. »
Le nouveau projet de Kojima Productions reste un mystère, tout comme la composition de sa nouvelle équipe. Et ce ne sont pas les nouvelles cartes de visites qui le trahiront. Ni adresse ni numéro de téléphone n’y sont mentionnées. Toutefois, Hideo Kojima insiste sur le fait que ce ne sera pas un jeu en réalité virtuelle. « Nous travaillons avec Sony sur une nouvelle IP. Évidemment, je ne sais pas du tout si elle deviendra une série ou non. Toutefois, je veux faire quelque chose qui aura assez d’impact pour devenir une série. Par impact, je sous-entends des choses inédites, des personnages et un monde. Et tout cela peut conduire à d’autres choses que des jeux, comme des animés, des mangas, des figurines. Quelque chose d’assez riche pour se développer. »
Une nouvelle fois, le prochain gros jeu de Kojima Productions devrait donc proposer un récit marquant et un gameplay solide. « Je veux faire les deux parce que c’est ce que les gens attendent de moi. Je souhaite créer quelque chose qui donne beaucoup de liberté et d’interactivité. Comme je l’ai fait par le passé, je voudrais faire quelque chose de vraiment fort, avec une histoire prenante. C’est ce que les gens veulent de moi, et c’est ce que je veux faire. Ce serait tellement plus simple si je donnais la priorité au récit ou au gameplay, de faire un jeu linéaire. Mais ce ne sera pas le cas. C’est risqué par ce que nous sommes qu’au début de notre nouvelle aventure. Et il serait probablement plus prudent de viser quelque chose de moins prometteur. Mais Sony nous soutient pour réaliser un grand jeu qui offre une histoire forte, avec beaucoup de liberté et de nouvelles choses. Je ne sais pas si c’est possible. Nous verrons. »
Le retour de Hideo Kojima et de Kojima Productions, en tant que studio indépendant, ne se fait pas sans une certaine pression pour le créateur japonais. « Je dois être honnête, Beaucoup de personnes, de membres de l’équipe et de fans ont une énorme attente sur ce projet. Je ne dois pas rater mon coup et je ne veux pas les décevoir. Je ne peux pas faire quelque chose de trop extrême, c’est un élément dont je dois tenir compte. Principalement parce qu’il s’agit de notre premier jeu et que nous travaillons avec Sony. Mais je tiens à souligner que c’est un grand jeu pour Sony. La pression est donc belle et bien présente. Néanmoins je n’imagine pas que cela changera quoique ce soit quant au contenu du jeu. »
Si le projet n’est qu’à ses débuts, le jeu de Kojima Productions pourrait sortir plus rapidement que d’habitude. « Beaucoup de gens me disent : « Vos jeux sont géniaux mais ils prennent trop de temps pour sortir ». Je vais essayer de corriger ça. » Toutefois, il existe beaucoup de fausses idées sur Kojima Productions et sur Hideo Kojima que ce dernier dénonce avec regrets. « Beaucoup de personnes disent que je dépense trop d’argent ou que je prend trop de temps, mais c’est une idée erronée. Mon dernier projet [Metal Gear Solid V : The Phantom Pain] était, certes, en retard mais de cinq ou six mois seulement. J’ai toujours respecté les échéances ainsi que le budget. Par exemple, si je prends trois ou quatre ans pour réaliser un jeu, c’est que c’est prévu depuis le début. Je prends beaucoup de temps parce que je travaille moi-même sur les teaser, les affiches, les boîtes de jeux. Les créateurs japonais sont réputés pour dépasser leur calendrier. Je pense que les gens me casent dans cette catégorie, mais ce n’est pas la réalité. Dans mon cas, je suis directeur et producteur. Il est important que je sois au courant de la production et du budget. »
Aujourd’hui, Hideo Kojima se donnerait deux conseils s’il pouvait retourner en arrière. « Je pense que ce serait : « Crois en toi ». Ce conseil est encore d’actualité aujourd’hui. Même en ayant une franchise telles que Metal Gear sur mon CV, il est difficile de faire comprendre aux gens ce que vous essayer de faire de vraiment nouveau, particulièrement aux personnes qui sont proches de vous. Lorsque vous créez quelque chose qui n’existe pas, il est difficile de communiquer et de transmettre ses propres idées à l’équipe. Il y a toujours des gens qui me disent que je dois faire des choses d’une certaine manière. Mais la seule façon, c’est de croire en moi.
Un autre conseil que je me donnerais, étant donné que je ne m’attendais pas à ce que Metal Gear rencontre un tel succès, ce serait de réaliser quelque chose qui ne pourrait potentiellement pas être couronné un succès. Cela peut rendre les choses beaucoup plus faciles. Je ne veux pas me vanter avec ce que je vais dire, mais je suis constamment en train de faire des ajustements et de jouer aux jeux sur lesquels je travaille, et je me dis à moi-même « C’est beaucoup trop amusant, cela va rendre d’autres tâches plus difficiles. J’ai besoin de le rendre un peu plus ennuyeux, parce que c’est tout simplement trop chouette » »
Évidemment, Hideo Kojima espère renouer avec le succès qu’il a toujours connu durant ces trente dernières années. Mais jamais il ne vendra son âme créative pour y arriver. « Le premier Metal Gear Solid a été une surprise parce que j’ai simplement créé un jeu auquel je voulais jouer. Je ne m’attendais pas à ce qu’il rencontre un tel succès et en fait il n’était même pas nécessaire qu’il marche aussi bien, c’était donc une réelle surprise. Avec Metal Gear Solid 2, il était indispensable de développer et de construire un marché. Je devais garder ça en tête. Mais jamais je ne changerai quelque chose dans un jeu pour qu’il se vende d’avantage. »
Si Hideo Kojima est heureux de ce qui lui arrive aujourd’hui, P.T. et Silent Hills resteront probablement l’un de ses plus gros regrets. « C’est comme gravir le Mont Everest. Vous devez d’abord commencer par le Mont Fuji. Tout se passe bien. Puis lorsque vous vous préparez à grimper le Mont Everest, vous n’êtes plus autorisés à le faire. C’est une sensation désagréable. »
Guillermo del Toro et Norman Reedus étaient impatients à gravir le Mont Everest avec Hideo Kojima. C’est pourquoi, Hideo Kojima se sent très mal à ce sujet. Il admet que c’est une chose déprimante compte tenu du succès qu’a rencontré le teaser jouable de Silent Hills : P.T. « Guillermo del Toro et Norman Reedus [que j’ai vu il y a quelques jours] m’ont vraiment apporté leur soutien dans les moments les plus difficiles. Nous discutons toujours pour faire quelque chose plus tard. Je suis un fan de Norman. C’est quelqu’un de très sympa. L’année dernière il était inquiet à mon sujet, c’est pourquoi je suis allé lui rendre visite pour lui dire que je vais bien et que je suis devenu indépendant. Je fais mes propres trucs, aujourd’hui. Je voudrais faire quelque chose avec Guillermo del Toro et Norman Reedus avant de mourir. Ce sont des personnes formidables et intéressantes. Ce sont de bons amis et je serais ravi de travailler avec eux dans le futur. Toutefois, je n’ai pas la moindre idée de quand cela arrivera. »
Il y a près d’un mois, Hideo Kojima partait en voyage pendant dix jours en compagnie de Mark Cerny, l’architecte de la PlayStation 4, pour découvrir les dernières technologies de pointes. Le Japonais a ainsi été accueilli dans de nombreux studios tels que Sucker Punch, Media Molecule, Guerrilla Games ou encore Quantic Dream. Un voyage qui fut très constructif pour son nouveau studio.
« Afin de créer quelque chose qui soit vraiment de bonne qualité, vous avez évidemment besoin de technologie, mais surtout de personnes talentueuses. C’est pourquoi, je vais créer un environnement où ces personnes pourront développer leurs talents. Par « environnement », j’entends « un lieu de travail ».
Il fut un temps où j’étais à la tête d’une équipe de deux cent personnes. À ce stade, la méthodologie de travail était très compliquée. Il était impossible d’être tout ensemble et de peaufiner chaque détail. C’est pourquoi, pour ce nouveau studio, je tiens vraiment à garder une équipe de taille raisonnable.
Dans les studios japonais, peu importe le genre de jeu que vous développez, dès que vous y entrez, la sensation est la même. Tout le monde est au garde à vous. Il existe beaucoup de compagnies de ce genre. Si vous voulez créer quelque chose de créatif destiné pour le marché mondial, vous n’avez pas besoin d’agir de la sorte.
Quand je suis arrivé dans cette industrie, les équipes étaient composées de cinq personnes environ. Un peu comme les jeux indés. Chacun y faisait un peu de tout. Ce n’est plus comme ça de nos jours. Chacun a un rôle défini, comme dans une usine. Je ne veux pas de cette structure-là.
Durant son voyage technologique, Hideo Kojima a été particulièrement marqué par le studio de LittleBigPlanet. « Tous les studios étaient uniques et incroyables. Mais probablement celui qui m’a fait la plus grande impression est le studio de Media Molecule. Leur équipe est comme une famille. J’ai compris que [mon studio] devrait ressembler à ça quand, en entrant, on découvre une simple table ronde où travaillent tous les développeurs. Nous y avons trouvé notre bonheur. »
Hideo Kojima est également intéressé par la réalité virtuelle. Mais il craint que les détracteurs de cette technologie puissent ralentir son développement. « Je m’intéresse à la réalité virtuelle depuis longtemps. La VR est apparue il y a vingt ans. Et ses promesses deviennent enfin une réalité aujourd’hui. C’est pourquoi je suis très excité.
Il y a quelques années, j’ai essayé un kit de développement. La 3D me rendait malade. Je ne pouvais donc pas continuer. Je me disais que ça ne valait pas le coup, que j’étais incapable d’y développer quelque chose parce que je passerais des jours à vomir. Maintenant, je ne suis plus si sensible que ça, grâce à la dernière technologie. Je me sens peut-être plus en confiance pour développer quelque chose.
Nous devrions nous concentrer sur le futur de cette technologie et ce qu’elle pourrait apporter dans dix ans. Il est évident que le dispositif placé sur notre tête sera plus compact et que les prix seront moins élevés. Nous devrions réfléchir à cette technologie maintenant. Mais je suis très confiant. Le jour viendra où nous aurons quelque chose comme des lunettes et une chouette combinaison pour la VR [réalité virtuelle] et AR [réalité augmentée].
Les jeux de tirs sont toujours amusants, mais je suis plus intéressé à apporter des sensations que seule la réalité virtuelle peut procurer. Par exemple, certaines sensations de mécontentement ou peut-être d’horreur. Mais pas le genre grotesque ou sanglant. Un genre d’horreur différent.
Imaginons que vous mettiez le casque de réalité virtuelle sur votre tête et que vous étiez soudainement au milieu de nombreuses personnes qui ne vous sont pas familières. Personne ne vous a dit qui vous êtes et pourquoi vous êtes là. Cette technologie est particulièrement angoissante. Tellement qu’elle peut vous forcer à détourner le regard. Par exemple, lorsque vous regardez autour de vous et que quelqu’un entre dans la pièce. Vous n’avez pas besoin d’explication. C’est quelque chose de complètement différent. Cette technologie est très intéressante car elle permet de créer ce genre de choses.
Plus impressionnant encore, supposons que la table à laquelle je suis assis n’existe que dans la VR. Avant de mettre le casque, il n’y avait pas de table ici. Mais avec le casque, elle est présente. Dans votre tête, vous êtes conscient qu’il n’y a rien, mais dès le moment ou vous enfilez le casque VR, elle est là. En théorie vous devriez être capable de vous lever puisqu’il n’y a pas réellement de table mais vous n’y arrivez pas car vous avez l’impression qu’il y en a une. C’est quelque chose qui n’a encore jamais été vu dans le jeu vidéo jusqu’à présent.
Avec les technologies actuelles, nous pouvons faire quelque chose qui a un tel impact. Le matériel qui sortira dans dix ans sera tout simplement incroyable. Non seulement dans les jeux vidéo mais aussi dans les simulateurs et autres. Quand vous pensez à ce dont nous sommes déjà capables de faire actuellement, quelle technologie aurons-nous dans dix ans ? Je ne comprends pas que le fait qu’aujourd’hui cette technologie est trop chère puisse être un argument valable. »
Lors de son retour, Hideo Kojima est apparu avec une barbe naissante qui n’est pas passée inaperçue. « Je ne me suis pas habituée à elle, alors je pense me la raser chaque matin. En devenant indépendant et en créant mon propre studio, je voulais changer mon look. J’ai reçu beaucoup de compliments. Mais au Japon, la barbe a une mauvaise image. Les gens pensent que vous êtes vieux et fatigué. Mes enfants ne l’aiment pas du tout. »
Il compte refaire de l’infiltration ?
Bye bye l’infiltration, on a dit !
De la science-fiction type 2001, teintée d’horreur façon Alien et d’aventure space opératique style Star Wars ?
Tout ça ferait un sacré mélange…
J’ai encore du mal à résoudre l’équation :
Equipe < 200 + grand jeu pour Sony = jeu qui sort plus rapidement que d'habitude.
:/
Et j'aime pas la barbe non plus. Ca fait effectivement vieux et fatigué. Mais c'est peut-être le cas… ?
mais qu’il la garde sa barbe ! ca me rend plus cmasse ^^