Ce week-end, Hideo Kojima était attendu à Monaco pour rencontrer les fans européens au Magic 2017. Malheureusement, la mère de Hideo Kojima est décédée il y a quelques jours. C’est la raison pour laquelle le Japonais a annulé son voyage à Monaco, en toute dernière minute.
« J’ai pris du recul avec Twitter car ma mère est décédée récemment. Aujourd’hui, j’ai la force de tweeter à nouveau. » Hideo Kojima, le 19 février 2017.
Si Hideo Kojima est un grand adepte de Twitter où il partage régulièrement ses pensées, ses achats ou ses repas en photos, il n’en reste pas moins très discret sur sa famille. En 2012, Hideo Kojima accordait pourtant au site The Guardian l’une de ses interviews les plus personnelles. Il y racontait son enfance et sa relation avec ses parents, en partageant des anecdotes surprenantes. Publié sur MetalGearSolid.be à l’époque, je vous propose de (re)découvrir notre article aujourd’hui.
« Tous mes amis pensaient que j’étais devenu fou. Seule, ma mère m’a dit que je devais faire ce que je voulais dans la vie. Elle a été la seule […]
Plus tard, ma mère a commencé à parler de moi à ses amis. C’était adorable. Elle avait 70 ans à l’époque, mais elle avait décidé qu’elle jouerait à mes jeux. Il lui a fallu une année entière pour finir Metal Gear Solid 3. Elle demandait de l’aide à ses amis. Quand elle a battu The End, elle m’a appelé pour me dire ‘c’est fini’. » – Hideo Kojima, en mai 2012.
Article rédigé le 27 mai 2012 – À l’occasion des 25 ans de Metal Gear, Hideo Kojima et Yoji Shinkawa se sont rendus dans trois villes européennes : Francfort, Paris et Londres. Mais, ce sont les fans français qui ont été les plus gâtés avec une Master Class de très haute qualité ! Durant leur voyage, ce fut également l’occasion pour le papa de Snake de s’entretenir avec la presse et d’évoquer les origines de la saga. Si la conférence parisienne a apporté diverses anecdotes très intéressantes, l’entretien que Hideo Kojima a accordé au quotidien britannique The Guardian complète véritablement la Master Class. Des détails fort peu connus du grand public, à dévorer sans modération !
(Note de sheen : Dans un souci du détail, j’ai complété cet entretien avec d’autres citations de Hideo Kojima. Vous retrouverez toutes les sources en fin d’article.)
Ce n’est un secret pour personne, Hideo Kojima est un créateur qui s’inspire beaucoup de livres, de cinéma et de toute la culture en général. Mais le papa de Snake est avant tout un très grand rêveur et ce dès son plus jeune âge. D’ailleurs, son imagination débordante a bien failli lui jouer des mauvais tours, plus d’une fois !
« Lorsque j’étais petit, je créais toujours différents mondes dans ma tête. Constamment, j’inventais des histoires avec toutes les choses qui m’entouraient. Il m’arrivait de rigoler ou de pleurer tout seul. Et les gens n’en comprenaient pas la raison. Au Japon, il y a des fossés pour les tempêtes aux bords des routes principales. Je ne compte plus les nombreuses fois où j’ai failli m’y retrouver au fond alors que je marchais, perdu dans mes pensées. Aujourd’hui, conduire est quelque chose qui est encore très dangereux pour moi. Je suis rentré de nombreuses fois dans le portail de ma maison. Même maintenant, alors que nous parlons, si je ne me concentre pas, mes pensées s’envolent ailleurs. »
« Tenez, vous voyez cette tasse de café par exemple. Pendant que nous parlons, je suis en train d’imaginer une histoire dans laquelle il y a une énorme tasse de café où nous sommes assis. Ce n’est pas vraiment une histoire, mais plutôt une image vivante. C’est comme ça que fonctionne mon esprit. »
Hideo Kojima ne cesse de répéter que son corps est composé à 70% de cinéma. Une raison dont la Master Class parisienne a expliqué son origine « anatomique ». Mais en réalité, le cinéma est une véritable affaire de famille ! Dès son plus jeune âge, Hideo Kojima a baigné dans les films de tout genre grâce à ses parents, férus de cinéma !
« Je suis né dans une ville de campagne. Mais lorsque j’avais quatre ans, nous avons déménagé à Osaka. Autant vous dire que l’endroit est devenu énorme pour moi. J’ai passé bien plus de temps à la maison, à regarder la télévision, à créer des figurines.
C’était une époque où mes parents avaient établi une tradition familiale. Chaque soir, nous regardions un film tous ensemble. Je ne pouvais pas aller dormir tant que le film n’était pas terminé. Tout le contraire de la plupart des autres enfants. Mes parents étaient de très grands amateurs de films. En particulier de westerns, de cinéma européen et de films d’horreur. D’ailleurs, ils ne me faisaient pas découvrir uniquement des films pour enfants. Il y en avait même avec des scènes de sexe. »
Et quand Hideo Kojima eu l’âge de 10 ans, il était devenu assez grand pour aller voir seul les films de son choix. Mais attention, pas sans condition !
« Mes parents me donnaient de l’argent pour que j’aille au cinéma tout seul. J’étais autorisé à y aller, mais à une seule condition. À mon retour, je devais discuter du film avec eux. Je devais acheter la brochure du film en question et je la ramenais avec moi à la maison. Ensuite, nous parlions des thèmes du film, de sa direction et de ce que j’en pensais. »
Cette passion pour le cinéma a définitivement influencé le jeune Hideo Kojima qui voulait à tout prix réaliser ses propres petits films. Malheureusement pour lui, ses amis ne partageaient pas vraiment cette même passion. « Pour être honnête, mes amis n’étaient pas réellement intéressés par faire des films comme moi. Mais j’ai convaincu tout le monde de faire des films de zombies !
Vous savez, chaque année, il y avait une fête culturelle dans notre école. Mon idée était de réaliser un film de zombies et de le montrer à cette occasion. On y vendait les tickets afin que nous puissions nous payer des films par la suite. Nous vendions une place pour 50 yens. Mais malheureusement, nous n’avons jamais gagné assez d’argent pour nous offrir le moindre film ! »
Un jour, le jeune Hideo Kojima réussit même à entraîner ses amis sur une île pour réaliser un film qui ressemble étrangement à une série à succès…
« Nous avons essayé de faire un film qui se déroulait sur une île. J’avais pour idée que, à la suite d’un crash d’avion, des lycéens avaient survécu. Je voulais faire quelque chose comme Robinson Crusoé. Nous avons réussi à tromper nos parents qui nous ont donné de l’argent pour un voyage de quatre jours sur une île exotique au large du Japon. Mais lorsque nous sommes arrivés, nous avons passé les trois premiers jours à nager dans la mer. Le dernier jour, nous avons réalisé le peu de temps qu’il nous restait. Du coup, j’ai modifié l’intrigue… pour un autre film de zombies ! L’idée du crash d’avion et des lycéens était toujours d’actualité. Mais cette fois, ils découvraient que l’île était infestée de zombies ! »
Mais tout n’a pas été rose dans la jeunesse de Hideo Kojima. Très vite, il perdit son père. Ce fut, bien sûr, un véritable choc pour lui. Mais il décida d’en faire l’une de ses principales forces. « J’avais à peine 13 ans quand il est mort. Mon père était quelqu’un de très dur et de solitaire mais, dans un sens, il a renforcé ma conviction de devenir cinéaste. »
Au fil des années, la réalité rattrapait Hideo Kojima. Devenir cinéaste n’allait pas être de tout repos. « Je voulais désespérément devenir réalisateur de film professionnel. C’était difficile. Il n’existait pas d’école de cinéma près de l’endroit où je vivais. De plus, le budget alloué pour les films japonais n’était pas très élevé, à l’époque. C’est pourquoi, je ne pense pas que j’aurais été capable de faire un film qui me comblerait vraiment. C’est pour cette raison que je suis arrivé dans l’industrie des jeux vidéo. »
Pourtant, malgré ses études dans l’économie, Hideo Kojima choyait toujours son rêve. Et même si personne ne l’encourageait, il était bien décidé à réaliser ce rêve d’une façon ou d’une autre…
« Durant mes études, j’écrivais des histoires pendant mon temps libre. Même si cette idée était liée au cinéma. Je voulais gagner un prix pour mes histoires et je pensais que si cela arrivait, je pourrais probablement avoir la chance d’en faire un film. Mais je n’avais pas d’amis intéressés par le cinéma. Personne ne m’a encouragé à suivre cette carrière. C’était l’époque où j’ai joué à la Famicom pour la première fois. Tout de suite, j’ai pensé qu’elle pouvait être un autre moyen pour réaliser quelque chose proche des films. »
Sautant des livres aux jeux vidéo, Hideo Kojima était toujours très obsédé par le cinéma. « Très vite, je pensais que les jeux pouvaient devenir importants dans le futur. C’est ce qui a fait pencher la balance pour que je prenne ma décision. Je ne pourrais pas décrire ça comme une décision mûrement réfléchie mais plutôt comme une opportunité qui s’est présentée à moi. Il est exact de dire que je suis entré dans cette industrie parce que je n’ai pas trouvé le chemin du cinéma. Mais je suis très vite tombé amoureux des jeux vidéo. C’est tellement différent des films. Les jeux sont interactifs et vous devez comprendre les gens. Je suis très vite tombé amoureux de l’art de faire des jeux. Mais en même temps, je gardais toujours l’idée de réaliser un film un jour. »
Entouré d’érudits, Hideo Kojima a eu beaucoup de mal à annoncer son nouveau choix de carrière. Seule une personne l’a soutenu. Sans doute, la plus importante de toute à ses yeux…
« Lorsque j’ai annoncé ma décision, tous mes amis et mes professeurs m’ont prié de reconsidérer la question. Pour être honnête, ils pensaient tous que j’étais devenu fou. Seule, ma mère m’a dit que je devais faire ce que je voulais dans la vie. Elle a été la seule. »
Mais pourquoi Hideo Kojima a-t-il choisi Konami ? Pourquoi n’a-t-il pas travaillé chez Nintendo, concepteur de la Famicom, la console qui a bouleversé les rêves de Hideo Kojima ? La réponse est aussi simple qu’évidente. « J’ai commencé à chercher une compagnie dans laquelle je pouvais travailler. Mes recherches ont abouti chez Konami. Non pas parce que le type de jeu que la compagnie produisait me plaisait. Mais parce que Konami était cotée en bourse. C’était la seule compagnie à l’époque. Même Nintendo ne l’était pas. Mon choix s’était donc porté pour une raison de statut. Je pensais que travailler pour une compagnie comme celle-là pouvait améliorer mon image auprès des gens. »
Car bien souvent, ses amis n’hésitaient pas à se moquer de son choix. D’ailleurs, Hideo Kojima se souviendra encore longtemps du mariage de l’un de ses amis. Alors que le papa de Snake avait rejoint Konami depuis six mois à peine, un ami d’université lui demanda d’être son témoin pour son mariage.
« Le marié s’est levé pour me présenter aux invités. Il a dit : « Bonjour tout le monde. Voici Monsieur Kojima. C’est une personne très talentueuse et sympathique. Mais je suis désolé de vous annoncer que, pour une raison inconnue, il a décidé de travailler dans une compagnie de jeux vidéo ». Tout le monde s’est mis à rire ! Vous savez à l’époque, travailler dans l’industrie du jeu était vu comme un sot métier. Il n’existait même pas de mot en japonais pour désigner le poste de game designer. Alors, pendant des fêtes, je mentais au gens. Je leur racontais que je travaillais pour une firme financière… »
Mais si Hideo Kojima était nouveau dans l’industrie, il y avait la rage en lui de réussir. Bien sûr, il voulait faire de ses propres rêves une réalité, mais il savait par dessus tout qu’il était attendu au tournant. Son entourage n’attendait que son échec pour lui donner tort.
« Dès le début, je savais que je faisais de l’art. Je sentais que mon entourage attendait de voir ce que le jeu vidéo avait dans le ventre. C’était une grande source de motivation pour moi. Je voulais faire de mon mieux et leur prouver que mon choix était le bon ! »
À cette époque, Hideo Kojima n’était pas le seul à s’être dirigé vers l’industrie du jeu vidéo. Ils étaient nombreux… « Il y avait beaucoup de gens qui avaient rejoint l’industrie parce qu’ils voulaient faire des films, être réalisateurs. Mais pour différentes raisons, ils n’ont pas pu le faire. Certains venaient d’un groupe dont le CD ne s’était pas bien vendu. D’autres avaient connu de nombreuses difficultés pour sortir leurs propres séries de manga. L’industrie était pleine de marginaux, des personnes qui pensaient que le jeu vidéo pouvait leur offrir une nouvelle chance. J’ai rencontré beaucoup de monde qui était dans la même situation que moi. Nous étions tous liés en quelque sorte. Mais il n’y avait pas du tout d’esprit négatif. Chez Konami, le sentiment que le jeu vidéo allait devenir important était omniprésent. C’est ce qui nous a poussés à donner le meilleur de nous-même. »
Même si Hideo Kojima était loin d’être seul dans ce cas, les deux premières années chez Konami ont été très difficiles pour lui. « J’étais comme un stagiaire à l’époque. C’était amusant, mais vraiment difficile. Personne ne m’apprenait ce qu’il fallait faire et je n’avais aucune expérience, ni personne à qui demander non plus. Je me débattais donc tous les jours et j’ai fini par façonner une petite idée. »
Nous avons pu le voir lors de la Master Class parisienne, le premier projet assigné à Hideo Kojima a été Lost Warld, où il apportait bon nombre d’idées. Malheureusement, Lost Warld a été abandonné au bout de six mois de développement !
« J’ai eu envie de partir quand l’ensemble du projet a été mis à la poubelle. Mais au même moment je me suis senti gêné de partir alors que tous mes amis m’avaient conseillé de ne pas travailler dans l’industrie du jeu. »
Dès lors, le papa de Snake était dans une situation très délicate. Pourtant, ça ne l’empêcha pas d’être en total désaccord avec sa hiérarchie. Nous l’avons vu, à cette époque, Konami souhaitait revenir sur un genre très prisé à l’époque : le jeu de guerre. Mais Hideo Kojima ne voulait pas réaliser un jeu classique. Grand fan de cinéma, il voulait faire un jeu inspiré du film La Grande Evasion où le héros devait s’échapper des mains de ses ennemis.
« C’était très difficile de les convaincre. À cette époque, il y avait beaucoup de choses qui étaient contre moi. Pour commencer, mon premier projet avait été annulé. Je n’avais donc encore rien fait jusqu’à présent. De plus, j’étais le plus jeune du groupe créatif dans lequel je travaillais. Ensuite, le genre de jeu que je souhaitais faire n’existait pas encore. La chance n’était pas avec moi et j’avais du mal à gagner la confiance de l’équipe. »
Contre vents et marées, Hideo Kojima ne voulait pas lâcher prise. Au bout de quelques mois, il réussit à convaincre le plus expérimenté de l’équipe à s’entretenir avec lui. Hideo Kojima reste très mystérieux sur cet homme qu’il considère comme son « mentor ». « C’était un type formidable ! Il avait découvert que j’avais échoué. Alors il m’a invité à dîner un soir pour me remonter le moral. »
« Il a écouté mes frustrations. Il a dû déceler quelque chose en moi. Ensuite, il a convaincu les dirigeants de la compagnie, et il m’a invité à expliquer mes idées sur Metal Gear devant tout le monde. Je pense qu’ils ont compris que cette idée avait quelque chose de révolutionnaire. Dès lors, j’ai eu tout leur soutien. »
De retour en piste, plus motivé que jamais, Hideo Kojima allait se trouver face à une situation qu’il allait à nouveau connaître vingt-quatre ans plus tard avec Metal Gear Solid : Peace Walker et Metal Gear Solid Rising. En effet, dans la division de Kojima à l’époque, il y avait des équipes qui travaillaient sur les bornes d’arcades, d’autres sur Famicom et d’autres sur MSX.
« Le public sur MSX étaient plus technophile que ceux qui jouaient sur la Famicom. En le sortant sur MSX, le jeu a probablement eu plus d’influence que s’il était sorti sur la console de Nintendo. Nous avons passé beaucoup de temps à travailler sur les animations qui n’auraient pas été possibles sur Famicom. Je vais même aller plus loin. Si, dès le début, j’avais travaillé dans le département de la Famicom, il est fort probable que je n’aurais jamais eu l’idée de créer Metal Gear. Les caractéristiques de ces deux systèmes sont tellement différentes. Et le concept du jeu n’aurait pas passé le processus interne de Konami qui demande des titres plus familiaux pour la Famicom. »
Après le succès du premier Metal Gear sur MSX, Konami a décidé de réaliser, quelques mois après, une version sur la console de Nintendo. C’est la raison pour laquelle, Hideo Kojima, qui faisait partie de la division MSX, n’a absolument pas travaillé sur le projet.
« Je n’avais absolument aucune implication dans le développement de la version NES. Cette version était un titre pitoyable développée à moindre coût par une petite équipe à Tokyo. C’était durant une période faste pour l’économie où n’importe quoi pouvait être vendu. Je suis tombé par hasard sur le jeu dans un bac où tout était soldé, et j’ai essayé d’y jouer. Mais le game design est assez mauvais. Il y a une base supplémentaire à infiltrer qui n’existe pas dans la version originale. Cependant, même en étant le développeur du jeu original, j’ai été incapable d’infiltrer cette base, ne fût-ce qu’une fois !
De plus, qui dit Metal Gear, dit apparition d’un Metal Gear à la fin du jeu. Cependant, d’après ce que j’ai entendu, en raison des difficultés techniques dans l’affichage de sprite sur l’écran, ils ont échangé le Metal Gear par un « super ordinateur » [ndlr : qui contrôle l’activité de tous les Metal Gear]. Cela prouve bien que celui qui a réalisé le jeu n’avait aucun respect vis-à-vis des joueurs. Toutefois, même si c’était une abomination, il est sorti à une époque où l’économie était florissante et le jeu s’est vendu à des millions d’exemplaires à l’étranger. Ce titre a seulement sali ma réputation. »
Snake’s Revenge est le second Metal Gear à avoir vu le jour sur la NES. Encore une fois, Hideo Kojima n’a pas été impliqué dans le projet.
« J’ai d’abord entendu parler de Snake’s Revenge à travers des rumeurs. J’étais nouveau à l’époque, je n’avais donc pas d’influence sur les autres départements. Puis, un jour, j’ai rencontré quelqu’un dans le train qui avait travaillé dans le département de la Famicom. Il avait travaillé avec moi et à ce moment-là il travaillait sur cette suite. Mais il m’a dit : « Je ne pense pas que ce soit la vraie suite de Metal Gear. Je pense que c’est à vous de la faire ». En rentrant chez moi, j’ai commencé à réfléchir sur ce que pourrait être la suite de Metal Gear. Sans cette rencontre, je n’aurais probablement pas fait de suite et Metal Gear Solid n’aurait jamais existé. »
À l’époque, Hideo Kojima n’était qu’un simple game designer, il n’avait donc pas connaissance du budget de la compagnie. Avec Metal Gear sur MSX, il avait su gagner la confiance de Konami, ce qui lui a permis de disposer de plus gros moyens pour réaliser Metal Gear 2: Solid Snake.
« Comme nous faisions un jeu de guerre, Konami voulait que l’expérience du jeu soit réaliste. C’est pourquoi, chaque semaine, l’entreprise nous payait pour que nous nous baladions en forêt, dans les montagnes voisines. Nous étions habillés d’uniformes militaires et nous faisions des jeux de rôles. C’était très chouette. »
Même si Hideo Kojima était à la tête du projet, il n’en était pas moins très frustré. Il voulait avoir le contrôle sur tout. « J’expliquais aux programmeurs ce que je voulais voir à l’écran (dialogues, musiques,…) Mais ils ne faisaient pas exactement ce que je voulais. Ils changeaient légèrement des choses parce qu’ils estimaient que c’était mieux.
À cette époque, c’était très frustrant pour moi de faire des jeux. Je voulais avoir le contrôle sur tout. C’est pourquoi, après la sortie de Metal Gear 2: Solid Snake, j’ai développé mon propre moteur de script pour travailler sur un jeu d’aventure. De cette façon, j’avais le contrôle sur tout : sur le déclenchement des animations et de la musique. C’est à ce moment que j’ai développé Snatcher et Policemauts. C’était une façon pour moi de prendre tout le contrôle créatif. »
À la fin des années 90, Hideo Kojima a été promu en obtenant un poste de management au sein de Konami. Dès lors, le papa de Snake était plus libre et il pouvait choisir les collaborateurs avec lesquels il voulait travailler. L’une de ces personnes fut Yoji Shinkawa, un jeune artiste qui sortait à peine du collège en 1994 (voir la Master Class parisienne). « Yoji Shinkawa est né pour être un artiste de jeux vidéo. Dès que j’ai su que je pouvais faire Metal Gear Solid, j’ai demandé à Shinkawa de se joindre à l’équipe. Son travail a défini la série, à partir de ce moment-là. »
Metal Gear Solid a été le premier jeu en 3D de Hideo Kojima et de Yoji Shinkawa. L’équipe de Kojima a donc développé un moteur 3D de A à Z. Quant à Yoji Shinkawa, il a travaillé chez lui pendant plusieurs mois à créer des maquettes en 3D, dont le fameux Metal Gear Rex !
« Yoji Shinkawa a créé les modèles 3D en plastique de tous les véhicules du jeu. Il a tellement utilisé de produits chimiques, que les fumées devenaient nauséabondes pour le reste de l’équipe. Il a donc travaillé chez lui. Tous les jours, j’allais lui rendre visite dans son appartement afin de voir s’il allait bien. La première fois que j’y suis allé, le sol était couvert de morceaux de plastique. »
Vous le savez, Metal Gear Solid a connu un très grand succès aux quatre coins du monde. C’est précisément à cette époque que Hideo Kojima s’est fait un nom dans l’industrie et surtout auprès des joueurs. Pourtant, le papa de Snake n’a rien vu venir !
« Nous avons travaillé si dur sur ce jeu que nous n’avions pas eu le temps de penser à la façon dont le jeu serait accueilli par le public. Nous avons juste créé un jeu auquel nous voudrions jouer et je ne pense pas que j’avais beaucoup d’attentes à ce qu’il devienne un grand jeu. Lorsque j’ai appris qu’il se vendait bien en Amérique, j’avais du mal à réaliser. Je pense que quand j’ai pris vraiment conscience du succès du jeu, c’était lorsque je suis venu à Londres en 1999. Nous avions été invités dans un magasin Forbidden Planet pour la promotion du jeu. Tous les vendeurs me connaissaient. Je n’en croyais pas mes yeux ! C’était l’un des moments les plus surprenants de ma vie. »
Malgré ce succès retentissant, sa première fan, sa mère, n’osait plus parler du métier de son fils auprès de ses amis. « À ce moment-là, j’ai entendu que ma mère ne racontait plus à ses amis ce que je faisais dans la vie. Elle m’avait énormément supporté au début. Mais après une dizaine d’années, les enfants de ses amis avaient tous de très hauts postes dans de grandes compagnies. Je pense qu’elle se sentait un peu gênée de mon choix. »
Grâce au succès de Metal Gear Solid sur PlayStation, le budget pour réaliser une suite, Metal Gear Solid 2, était devenu bien plus important !
« Nous avions un budget encore plus important et nous pouvions aller à Hollywood et nous payer les services d’un grand compositeur, Harry Gregson-Williams. Ça a été un très grand moment pour moi, parce qu’en plus Harry avait déjà entendu parler de mes jeux ! »
Après la sortie de Metal Gear Solid 2: Sons of Liberty, Hideo Kojima se souviendra encore longtemps de la réaction de sa mère, suite à la publication de Newsweek où Hideo Kojima faisait partie des dix personnes les plus influentes en 2003.
« Après ça, ma mère a commencé à parler de moi à ses amis. C’était adorable. Elle avait 70 ans à l’époque, mais elle avait décidé qu’elle jouerait à mes jeux. Il lui a fallu une année entière pour finir Metal Gear Solid 3. Elle demandait de l’aide à ses amis. Quand elle a battu The End, elle m’a appelé pour me dire ‘c’est fini’. »
Aujourd’hui, Hideo Kojima n’éprouve aucun regret, même s’il n’a jamais été cinéaste comme il le voulait dans sa jeunesse. « Avec le recul, je suis très content de ne pas avoir travaillé dans l’industrie du cinéma. Si je l’avais fait, je n’aurais pas pu réaliser le genre de film que je voulais. J’apprécie vraiment les jeux que je fais maintenant. »
Hideo Kojima est une bête de travail. Peut-être même un peu trop. Il arrive tous les jours à 6h30 du matin. Mais il passe au moins une heure à méditer. Car aujourd’hui, Hideo Kojima cumule plusieurs casquettes. « Je n’aurais jamais accepté le poste de management si, en même temps, je n’étais pas très impliqué dans le processus de création. Je dois avoir un rôle créatif sinon je ne pourrais pas venir travailler. J’essaie d’avoir toujours un rôle de game designer dans le cadre de mes responsabilités. Dans le cas contraire, je ne serais pas capable de faire ce que je fais. »
Même si son père n’est plus de ce monde, Hideo Kojima continue de regarder un nouveau film quotidiennement. il s’accorde 90 minutes tous les jours pour visionner un film. « Cela fait partie de mon rituel de regarder un nouveau film chaque jour, peu importe le titre. C’est important pour moi. » Quant à savoir si le papa de Hideo Kojima serait fier de ce que fais son fils aujourd’hui ? « Je ne pense pas… » répond Hideo Kojima. « Je ne pense pas qu’il serait malheureux de mes choix. »
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Perso j’ai pris du recul avec mon taf, précisément parce que ma propre mère fêtait son anniversaire tout récemment. C’est parfois dur-dur de ne pas laisser nos passions imposer une distance significative aux personnes qui comptent pour nous! Bien que je sois assis à une place très différente, je compatis fortement.
RIP
Si l’absence n’a qu’un seul mérite, c’est celui de renforcer les liens affectifs. Pour preuve s’il en est, une partie d’entre nous s’est tout de même réunie à Monaco malgré l’absence de Kojima-san ^^’
🙁
Courage à lui.