Chaque mois, Hideo Kojima rédige une critique d’un film sur le site américain Glixel. De La La Land à Logan, en passant par Kong : Skull Island (pour ne citer qu’eux), le Japonais partage sa passion cinématographique depuis le début de l’année. Et c’est Alien qui est mis à l’honneur en ce mois de juin.
Depuis plusieurs années, les univers sans fin pullulent au cinéma. Aujourd’hui, bon nombre de films ont recours au procédé des histoires sérialisées. Désormais, ces films n’ont plus de début et ni de fin bien définie. Dans ce contexte, existe-t-il un moyen de préserver la véritable essence d’une œuvre originale ? Pour tenter de répondre à cette question, Hideo Kojima consacre sa sixième critique cinématographique à Alien : Covenant de Ridley Scott, en évoquant l’histoire d’une des sagas qui a révolutionné le cinéma de science-fiction.
« Dans la seconde moitié des année 70, Alejandro Jodorowsky décide de porter sur grand écran les romans de Dune avec l’aide du scénariste Dan O’Bannon qui, à l’époque, travaillait déjà sur les prémices d’Alien. Ce premier scénario, connu sous le nom de Memory, fut donc mis en suspens. Mais l’adaptation cinématographique de Dune tomba à l’eau et O’Bannon se remit à l’écriture de son scénario. Alors que ses idées devenaient assez nébuleuses pour le terminer, l’un de ses amis lui rappela une vieille idée de script qu’il avait eue, où un Gremlin harcelait l’équipage d’un bombardier. Ainsi, Alien prit forme et le script du film fut accepté par les producteurs que sont Gordon Carroll, David Giler et Walter Hill.
Avant Alien, les entrailles d’un vaisseau spatial dans les films de science-fiction étaient fonctionnelles et futuristes. Généralement, les personnages représentaient l’élite et ils vivaient dans des environnements immaculés à la pointe de la technologie. En revanche, le vaisseau spatial d’Alien offre un contraste saisissant. Le Nostromo est, en effet, une sorte d’usine volante habitée par des ouvriers dégoulinant de sueur. Le film Alien offre de nombreuses idées visuelles innovantes, du design du monstre à la tenue de l’équipage, en passant par la combinaison spatiale rappelant les vieilles tenues de plongée créée par Jean « Moebius » Giraud et Ron Cobb.
Le film Alien a connu un véritable succès grâce à la réalisation de Ridley Scott et au travail de l’équipe de Pinewood Studio. Mais il ne faut certainement pas oublier la participation artistique de H.R. Giger et Moebius. Si leur talent exceptionnel a été bénéfique pour Alien, c’est parce que O’Bannon a su entretenir un lien fort avec les deux hommes depuis qu’ils avaient travaillé tous les trois sur l’adaptation de Dune de Jodorowsky. De l’œuf à l’embryon, jusqu’au stade adulte, l’idée pour Alien a directement été transmise de O’Bannon à Giger.
Et pourtant, O’Bannon n’était pas le bienvenu sur le tournage. On raconte que le producteur Walter Hill lui en avait interdit l’accès, ce qui obligeait le scénariste à s’y faufiler discrètement. En plus, Hill avait réécrit de grandes parties du scénario sans son consentement. Finalement, le concept d’Alien tels que l’avait imaginé O’Bannon a évolué d’un embryon en quelque chose d’autre. À l’instar du film, il a perforé son hôte pour causer des dégâts.
Ainsi, Dan O’Bannon n’est pas le seul créateur d’Alien. Et cela amène une question : À qui appartiennent vraiment les films ou la franchise ? Ridley Scott est le réalisateur. Dan O’Bannon est le scénariste. Walter Hill et la société de production sont les producteurs. Et les droits appartiennent à la 20th Century Fox. Qui est donc le créateur ?
On peut dire sans trop s’avancer que, sans Aliens de James Cameron, la série ne serait jamais devenue ce qu’elle est aujourd’hui. Dans ce cas, devrions-nous considérer James Cameron comme étant le « créateur » de la franchise Alien ? Bien sûr que non. Même si Cameron a lancé Alien comme une série, il ne peut le prétendre. En fait, en tant que réalisateur et scénariste « novice » sur Aliens, Cameron s’est plusieurs fois mis à dos les gens de Pinewood Studios. Une situation qui rappelle celle de Dan O’Bannon.
Les talentueux David Fincher et Jean-Pierre Jeunet n’ont pas pu déchiffrer avec succès la recette Alien avec Alien 3 et Alien : Resurrection. Il en est de même avec Terminator. Ni Jonathan Mostow ni McG n’ont pu surpasser le travail original de James Cameron. En parlant de recette, quelle que soit la popularité du restaurant, quand son chef n’est plus le même, le goût de la nourriture changera elle aussi. Plus une série est marquée par son auteur, plus les compétences d’un nouveau chef seront remises en question.
L’histoire serait peut-être différente si Alien, Terminator ou Blade Runner étaient des films semblables à The Fast and Furious ou Mission Impossible. On peut les comparer tous les trois à des restaurants gastronomiques, alors que les deux autres sont plutôt comme les chaînes de restaurants où les plats sont déjà préparés. Cependant, le fait qu’ils aient Vin diesel et Tom Cruise comme sommeliers les rendraient super cools.
De nos jours, la demande veut que les chefs étoilés retournent dans leur restaurant réputé. Peu importe qui est le propriétaire du restaurant ou la personne qui a imaginé les recettes originales. Tout le monde veut une part du plat légendaire de ce chef étoilé. Comme je l’ai écrit dans l’un de mes articles précédents, les divertissements qui sont nés au 20e siècle, en l’occurrence le cinéma et les jeux vidéo, s’éloignent des formats traditionnels de la narration et de ce besoin d’imaginer une fin nette et précise aux récits. Les divertissements se dirigent de plus en plus vers la notion d’univers sans fin et d’histoires suivies.
Toutefois, même si les univers sont infinis, la durée de vie de leurs créateurs ne l’est malheureusement pas. Un restaurant réputé peut demeurer, mais le chef n’y restera pas. Sans être un oiseau de mauvais augure, Ridley Scott et James Cameron ne vivront pas éternellement. Une question se pose alors. Existe-t-il un moyen de continuer à préparer un plat digne d’un chef étoilé après que celui-ci ait disparu ?
Après tout, le nom d’un restaurant et la marque peuvent persister. C’est juste une question d’argent. Mais qu’en est-il de la nourriture à proprement parler ? Elle ne peut pas être conditionnée par l’argent. Seuls les chefs étoilés sont en mesure de préparer les plats qui éveillent nos papilles, nos souvenirs comme la madeleine de Proust. Certes, l’argent peut assurer le lieu et le menu. Mais existe-t-il un moyen de préserver la véritable essence que sont la saveur et le service ?
Une réponse à cette question se trouve dans la sortie récente de Alien : Covenant au cinéma.
Le titre du film précédent, Prometheus, fait référence au dieu qui a apporté le feu (la technologie) à l’humanité. Comme le suggère le titre, le thème de cette préquelle s’intéresse aux dieux (créateurs) et à leur créations (créatures). Et le film Covenant poursuit cette idée. Dieu a créé l’homme. L’homme a créé les androïdes. Mais qui a créé l’alien ? S’il est question de ce mystère dans l’histoire, elle met également en lumière la méta-question : qui est le créateur de la série Alien ? Ridley Scott avait-il conscience qu’il évoquait cette question ? Les thèmes horrifiques du premier film Alien ont été métamorphosés par de l’action dans le deuxième film réalisé par James Cameron. Ensuite, la série s’est perdue mais le thème de la créature d’Alien et la recherche de la meilleure méthode pour la mettre en scène reste une constante.
Toutefois, ce dernier film ne montre aucun signe du retour du chef étoilé, Ridley Scott, qui a bien du mal à reproduire sa signature. Le thème de la série Alien est lui-même sur le devant de la scène. Tous les efforts sont consacrés à expliquer le lieu et coutumes de l’alien, alors que le repas passe lui-même au second plan. Dans ce contexte, Scott est une création de la série Alien et, comme David dans Prometheus, il est un représentant de la série et un sélecteur des ingrédients plutôt que le conservateur du goût ou le directeur du service à la clientèle. Le « créé » devient le nouveau créateur et ce dernier donne naissance à de nouvelles créations. Cette chaîne infinie de créateurs résultant du créateur entretient l’univers du film de la même manière que l’ADN continue à se transmettre après la mort d’un individu.
On pourrait dire que Alien : Covenant est la remise en question d’un créateur qui a une vie limitée sur une franchise qui a des intentions d’être éternelle.
En tant que spectateur, ce n’est pas ce que je veux voir. Le design de l’enseigne du restaurant, le nom du propriétaire, tout cela ne m’intéresse pas. En fait, l’identité du chef n’est guère importante pour moi. Quand je me rends dans l’un de mes restaurants favoris, je veux apprécier la saveur et le service. Je vais voir des films parce que je veux savoir comment les ingrédients – dans ce cas-ci, l’ADN de Alien – vont être préparés. L’horreur d’Alien, l’action d’Aliens, je veux goûter à nouveau à ce sentiment de surprise.
Les spectateurs signent un contrat avec le film parce qu’ils veulent profiter de la nourriture, pas seulement d’un nom. Tant que ce principe est respecté, un univers sans fin n’est pas une mauvaise chose. »
« Aujourd’hui, tout le monde sait à quoi ressemble la créature, dont le design a été imaginé par H.R. Giger. Mais dans Alien, on ne la voit presque pas pendant tout le film. On en aperçoit furtivement des petits morceaux, si bien que la forme générale nous reste inconnue. On ne connait pas non plus la taille exacte de la créature, du moins jusqu’à la fin du film. Et quand on découvre enfin la créature, on se dit qu’elle est de forme humanoïde, que c’est une personne qui porte un costume, comme une mascotte. Et la créature n’est plus aussi effrayante. Avant, elle était une entité inconnue et c’est cela qui était très effrayant. » – Hideo Kojoma, février 2017 (Hideo Kojima ne souhaite plus faire de jeu d’horreur, mais…)
Asser daccord avec kojima,les films(ou les jeux vidéo ) se doivent de finir un jour au l autre malgré tout l affection qu on a pour eux.Ce qui faudrait ces faire des suites du moment qu elles sont justifier ,pour ca pas de problème ,mais si c est pour faire de l argent ou s accrocher a une valeur sur ,on peut-être sur a 99%Qu on restera sur notre faim ,voir dégoûté .Personellement quand mgs 4 c est terminé, j etait triste mais heureux aussi de voir la fin de ma saga préféré(Et Dieu c est que je l aime).Mais voilà meme les meilleures histoire doivent avoir une fin ,parce que elles ont un but.Un univers a la star wars pourrait a la rigueur etre infini ,mais il y a le risque qu elle ce denature (plutot au cinéma quand livre d ailleurs ).Mais pour ma part ,je pense qu une histoire dans une oeuvre comme dans la vie doit finir ,cest ce qui lui apporte la puissance de sont message » sa saveur ».