Ce week-end, Hideo Kojima était convié au RTX Sydney pour discuter de son expérience en tant que « l’un des plus grands précurseurs de l’industrie vidéoludique ». Le Japonais a également été interrogé sur Death Stranding, le nouveau jeu de Kojima Productions.
Hideo Kojima a commencé par évoquer l’un des thèmes principaux de Death Stranding, en l’occurrence : les connexions. La plupart du temps, les mécaniques des jeux vidéo traditionnels ne changent pas beaucoup, explique Hideo Kojima. Dans les jeux multijoueurs coopératifs ou compétitifs, les joueurs interagissent entre eux avec l’aide d’armes, que Hideo Kojima compare à des « bâtons », pour repousser l’ennemi. Mais dans Death Stranding, le Japonais souhaite que les joueurs soient connectés, non pas avec un « bâton », mais plutôt avec une « corde », ou son équivalent. Les termes « bâton » et « corde » ne sont pas anodins. Ces deux outils ont participé à l’évolution humaine et à bâtir notre ère.
Le bout de bois a été le premier outil créé par l’homme, rappelle Hideo Kojima. L’homme a éprouvé le besoin d’utiliser un bâton, comme une arme, pour se protéger des mauvaises choses et les maintenir à distance. Le second outil créé par l’homme fut une corde. Contrairement à un bâton, la corde a le potentiel de sécuriser les choses les plus importantes pour l’homme, de les lier ensemble. Death Stranding traitera ces thèmes en proposant une nouvelle sorte de gameplay que Hideo Kojima se garde bien de développer en détail aujourd’hui. Tout ce qu’il peut expliquer aujourd’hui, c’est que Death Stranding invitera les joueurs à se servir de ces outils (dont des armes à feu), tout en suggérant des pistes de réflexions sur ces thèmes. Death Stranding proposera d’ailleurs, dans un premier temps, une expérience familière aux joueurs avant de se transformer en quelque chose de différent.
Durant l’année 2016, Kojima Productions a passé le plus clair de son temps à rechercher la technologie adéquate pour son nouveau jeu, à réaliser de nombreux tests avec le moteur graphique Decima de Guerrilla Games, tant sur le plan technique que sur les systèmes de jeu de Death Stranding. Cette année, Kojima Productions rentre dans le vif du sujet, en travaillant sur la partie créative du jeu.
Death Stranding est un monde ouvert où il y aura un grand degré de liberté. Hideo Kojima assure que le joueur sera en mesure de faire presque tout ce qu’il souhaite. Grâce au moteur graphique, la distance d’affichage est décrite par le Japonais comme impressionnante. Hideo Kojima a également souligné que Death Stranding est toujours prévu pour PlayStation 4 et Pro, et qu’il n’est toujours pas prévu pour être un jeu VR (en réalité virtuelle).
Si la sortie de Death Stranding semble si lointaine, Hideo Kojima rassure les joueurs en soulignant que la plupart de ses jeux sont toujours sortis dans les délais prévus initialement, contrairement aux idées reçues. En plus d’être game designer, Hideo Kojima est aussi producteur. Il ne peut donc pas permettre à son côté perfectionniste de le retarder dans sa création. En outre, l’agenda est, pour Hideo Kojima, une source de pression positive à sa créativité. Les trailers qu’il réalise avec son équipe, les réactions et les contacts qu’il entretient avec les fans contribuent au bon déroulement de ses projets.
Lorsqu’il réalise un jeu, comme Death Stranding, Hideo Kojima crée lui-même le scénario et le game design. Tout se travaille conjointement. Ces éléments sont totalement indissociables durant le processus de création. Hideo Kojima fait sans cesse des allers-retours entre ces différentes parties. Il relie « ces points » qui constituent peu à peu le jeu. Mais, il arrive que l’histoire prenne le dessus, avec des pics scénaristiques. Dans ce cas, l’équipe réfléchit sur la meilleure façon de designer le jeu autour de ces nouvelles idées. Parfois, c’est l’inverse. C’est l’histoire qui doit s’adapter au gameplay. Tous ces éléments sont liés durant le développement. C’est la raison pour laquelle Hideo Kojima a toujours en tête la date de sortie du jeu qu’il est en train de créer. Elle est définie lorsqu’il dévoile ses idées à son équipe. Le processus de développement et l’agenda sont alors planifiés à ce moment-là.
Hideo Kojima lit beaucoup de réactions sur Twitter. Bien que les deux bandes annonces regorgent d’indices, certains d’entre eux n’ont visiblement toujours pas été découverts. En assemblant les pièces du puzzle qu’offrent ces deux trailers, les joueurs auront un bon aperçu de l’essence de Death Stranding. Mais jusqu’à présent, personne n’y est arrivé, du moins à la connaissance de Hideo Kojima. Toutefois, le Japonais admet qu’il est un peu terrifié par l’idée que quelqu’un arrive, un jour, à trouver et à rassembler toutes les pièces du puzzle.
À ce stade du développement, une suite n’est pas prévue à Death Stranding. Mais si le titre rencontre le succès, cette idée est envisageable, admet Hideo Kojima en soulignant qu’il se focalise avant tout sur Death Stranding plutôt qu’à la suite des événements. Mais une chose est sûre pour Hideo Kojima. Réaliser une suite d’un jeu vidéo, c’est avant tout le choix de prendre volontairement le risque de ne pas plaire à tout le monde. Hideo Kojima n’est pas du tout intéressé par créer une suite qui utilise exactement la même formule que le jeu précédent. Quand il est question d’une suite chez Hideo Kojima, il est important qu’elle progresse par rapport à l’épisode précédent, peu importe que les fans risquent de ne pas l’apprécier. En progressant avec une suite, Hideo Kojima perd peut-être des fans, mais il est convaincu qu’il en attire de nouveaux. Hideo Kojima préfère largement progresser avec un jeu, quitte à perdre des fans et à en attirer de nouveaux, plutôt que de plaire à 100% de ses fans, en suivant un chemin déjà balisé par l’épisode précédent. C’est ce qu’il a fait avec Metal Gear Solid 2 par exemple. Le tout est de surprendre le joueur, précise Hideo Kojima.
Hideo Kojima a également évoqué sa rencontre avec Norman Reedus, grâce à leur ami commun, Guillermo del Toro. Ce dernier est un fan de Metal Gear Solid. Il a d’ailleurs écrit une critique de Metal Gear Solid 3 pour le Japon. Depuis lors, Hideo Kojima et Guillermo del Toro sont amis. Et quand ce dernier vient au japon, ils sortent manger un morceau ensemble et puis ils vont au karaoké. D’après Hideo Kojima, Guillermo del Toro est un bon chanteur. Un jour, il semblait un peu triste d’apprendre par Hideo Kojima que Norman Reedus allait incarner le personnage principal dans son nouveau jeu, comme s’il avait l’impression d’avoir été un peu oublié par son ami. C’est pour cette raison que Hideo Kojima lui a proposé de jouer, lui aussi, un personnage dans Death Stranding.
Hideo Kojima est convaincu qu’aujourd’hui il n’a pas encore atteint le succès. Il compte bien s’en approcher avec Death Stranding. Pour le Japonais, le succès est comparable au soleil. Plus on s’en approche, plus on risque de se brûler. C’est la raison pour laquelle Hideo Kojima essaie de s’y tenir à la bonne distance, de s’en approcher certes, mais tout en restant à une distance raisonnable. C’est ce genre de succès que Hideo Kojima ambitionne.
Hideo Kojima estime que la narration et la technologie sont des éléments importants dans le jeu vidéo. Il est convaincu que les jeux vidéo ont le pouvoir de dépasser les films et les livres, sur le plan dramatique. Il précise qu’il adore travailler avec la nouvelle technologie pour offrir de nouveaux types d’émotions aux joueurs. Le Japonais se dit heureux quand il crée un jeu vidéo. Il ne remerciera jamais assez les fans car c’est grâce à eux qu’il peut réaliser tout ce qu’il veut aujourd’hui. Ce sont les fans qui lui donnent la force et l’énergie d’avancer.
S’il devait se décrire, Hideo Kojima répondrait simplement ceci : « Ne faites pas attention à moi, jugez plutôt ce que je crée. » Selon le Japonais, ce n’est pas lui qui a un impact sur les gens, même s’ils prétendent le contraire. Ce sont les jeux qu’il crée. Pour lui, les fans ont l’impression de l’aimer mais en réalité, ils ne connaissent que ses jeux. C’est pour toutes ces raisons qu’il continuera à créer jusqu’à ce que la mort en ait décidé autrement.
Enfin, Hideo Kojima a également parlé de VR (réalité virtuelle). Un sujet qui a déjà été largement traité dans nos pages, comme ici et là par exemple.
Hideo Kojima a également évoqué ses premiers pas qui l’ont mené dans l’industrie, grâce aux jeux d’arcade et à la Famicom. Avant d’entrer chez Konami, il a envoyé son CV à de nombreuses compagnies de jeux vidéo, en joignant un document avec des idées de design, à chaque fois différent. Il a également postulé auprès d’autres entreprises. Il a d’ailleurs reçu une offre de l’une d’entre elles, qu’il refusa.
Malgré son manque d’expérience, et grâce à la fougue de sa jeunesse, la chance lui a été donnée de créer son propre jeu, Metal Gear, mais non sans mal. En effet, son premier projet, Lost Warld, a été purement et simplement annulé. Quant à Metal Gear et son système de jeu, il est le fruit des limitations techniques de la MSX. Hideo Kojima a également expliqué avoir été surpris par le succès de Metal Gear Solid, qui est, selon ses mots, « une sorte de reboot » de la série. De nombreuses idées viennent en effet directement des deux premiers Metal Gear. Je vous invite à relire ces quelques articles ci-dessous pour en savoir plus. L’interview de ce week-end était très succincte sur ces sujets.
>> Le Serpent et la Pomme… [Dream Classroom]
>> The Art of Video Games : Conversation avec Hideo Kojima
>> Master Class de Hideo Kojima et Yoji Shinkawa à Paris
>> Hideo Kojima : Le cinéma, une affaire de famille !
>> Sans Naoki Matsui, Hideo Kojima a bien failli tout abandonner…
Quand Hideo Kojima est devenu indépendant, il eut l’agréable surprise de recevoir beaucoup d’offres, dont une très juteuse, à l’image d’une compagnie des Émirats Arabes ! Mais son choix s’est rapidement porté sur une collaboration avec Sony.
Ces vingt dernières années, Sony et Hideo Kojima ont souvent travaillé ensemble. Un respect mutuel n’était plus à construire. Cette relation de travail a évidemment motivé le choix de Hideo Kojima, d’autant plus qu’il connaît de nombreuses personnes qui travaillent chez Sony, à des postes divers et variés. Le risque d’un tel choix était donc plus que minime.
Quant à Sony, elle donne carte blanche à Hideo Kojima et à son équipe. Ça tombe bien, le Japonais s’en faisait un point d’honneur. Dans cette collaboration, Sony est en charge de toute la partie promotionnelle du projet, en l’occurrence de Death Stranding. Mais vous connaissez Hideo Kojima ! Non seulement il aime travailler sur tout, en ne déléguant que très peu, mais l’expérience d’un jeu de Kojima Productions commence dès le tout premier trailer promotionnel d’un jeu. C’est pour cette raison que Hideo Kojima travaille également sur la partie promotionnelle de Death Stranding avec Sony. Ainsi, les deux compagnies discutent ensemble de la meilleure façon de promouvoir le jeu.
Hideo Kojima est convaincu, aujourd’hui, que Sony était le bon choix, tout en affichant un respect profond envers les autres compagnies qui l’ont sollicité pour rejoindre leurs rangs. Pour lui, Sony n’hésite pas à prendre des risques. Hideo Kojima n’est pas sûr que le premier trailer de Death Stranding, où l’on voit Norman Reedus dans le plus simple appareil, aurait enchanté les autres compagnies. L’étrangeté de la vidéo et l’atmosphère qui s’en dégage en aurait probablement rebuté plus d’une. Mais Sony a pris le risque de faire confiance à Hideo Kojima. Pour lui, cet exemple illustre parfaitement la confiance mutuelle qui règne entre Sony et Kojima Productions.
Encore un super article, merci.
Kojima semble avoir retrouvé la patate depuis la fin de la promotion de TPP, c’est cool. J’espère qu’il pourra continuer à créer. Quitte à perdre des fans.