La La Land, le dernier film de Damien Chazelle, a tellement marqué Hideo Kojima qu’il a pris sa plume pour rédiger une véritable déclaration d’amour à son sujet.
Pas un jour ne passe sans que Hideo Kojima encense le film La La Land sorti cette semaine en Belgique et en France. Il faut dire que depuis sa sortie le 9 décembre dernier en Amérique du nord, le dernier chef-d’oeuvre de Damien Chazelle enchante les critiques, à juste titre. Grand vainqueur de la cérémonie des Golden Globes avec pas moins de sept récompenses, La La Land semble être bien parti avec ses 14 nominations pour marquer la 89e cérémonie des Oscars, le 26 février prochain. Nul doute que le cinéphile qu’est Hideo Kojima suivra de près cet événement. En attendant, le Japonais a rédigé une longue déclaration d’amour au film hollywoodien.
« ‘Qui sommes-nous ? Et au fond, qu’est-ce qu’Hollywood si ce n’est qu’un tas de gens venus d’un peu partout.’ Ces mots de l’actrice Meryl Streep, alors qu’elle venait d’être récompensée par le prix Cecil B. DeMille lors de la 74e cérémonie des Golden Globes Awards, rappellent l’importance des arts et de leurs pouvoirs – le pouvoir du cinéma à lutter contre la véritable violence dans le monde. « Hollywood est bourré d’outsiders et d’étrangers » continuait-elle. « Et si on les met tous dehors, il n’y aura plus rien à regarder si ce n’est du football américain et des arts martiaux mixtes, qui ne sont pas des Arts. »
Mais quel peut bien être le pouvoir que ces films détient sur nous ? Quel pouvoir ont les rêves ? Je pense que la réponse se trouve dans La La Land.
Le film débute avec une scène musicale énergique évoquant l’agitation des autoroutes de Los Angeles. Sa magie m’a immédiatement captivé grâce à sa musique joyeuse et ses couleurs éblouissantes. Ce genre de séquence d’ouverture vibrante et extravagante rappelle avec force l’âge d’or des comédies musicales d’après-guerre telles qu’Un Américain à Paris [An American in Paris], Chantons sous la pluie [Singing in the Rain] et Tous en scène [The Band Wagon].
Les films hollywoodiens modernes proposent rarement ce genre de composition scénique, réalisée ici avec brio. Elle peint instantanément un Los Angeles qui n’est pas le nôtre, mais plutôt un pays imaginaire onirique dans lequel les fantasmes cinématographiques et le rêve américain marchent main dans la main. C’est là qu’un pianiste de jazz débutant (Ryan Gosling) et qu’une actrice pleine d’espoir (Emma Stone) se rencontrent, tombent amoureux et partent ensemble à la poursuite de leurs rêves. C’est un conte classique, poignant, mêlant douceur et amertume, dans lequel chacun peut s’identifier.
Dans le film, cette vision rêvée de Los Angeles est dépeinte à travers les quatre saisons. Au fil du temps, les deux amants se rapprochent, font face à des difficultés, et doucement ils commencent à toucher leurs rêves du bout des doigts. Cependant, à mesure qu’ils se rapprochent de leurs objectifs, les couleurs vives du monde se ternissent peu à peu. Et alors que le rêve devient réalité, la véritable Los Angeles s’insinue. L’affaiblissement des couleurs du monde illustre le fait que les rêves ne peuvent devenir une réalité sans sacrifice – mais que cela nous laisse-t-il ? Seulement une réalité inoffensive ? Je ne crois pas et je pense que c’est le véritable message du film.
En regardant ce duo vivre leur voyage, le public réalise que, tout compte fait, ce n’est pas un monde de rêve. À la fin, le personnage incarné par Emma Stone roule en voiture et quitte l’autoroute pour retourner à Los Angeles, et on se demande ce qui l’attend là-bas.
Les comédies musicales – qui à mon avis sont l’incarnation du rêve hollywoodien – ont commencé à disparaître à la fin des années soixante. L’Amérique était empêtrée dans la guerre du Vietnam, et le cinéma classique a laissé sa place au Nouvel Hollywood. Mais ce bouleversement n’a pas été la fin du cinéma. Bien que les comédies musicales n’existent presque plus, les films continuent à nous offrir de nouveaux rêves. Si La La Land n’avait été qu’un simple revival de l’âge d’or hollywoodien ponctué par le passé idéologique américain, il ne m’aurait pas touché. Mais il m’a captivé parce qu’il file le long de l’autoroute des rêves, traçant son chemin à travers le véritable Los Angeles avant de reprendre sa route vers un nouveau rêve.
La La Land nous montre la douceur et l’amertume de la création et la vision d’un film en tant qu’habitant de notre monde moderne, d’avoir un rêve et d’en faire une réalité. C’est la raison pour laquelle on a envie de voir le film, encore et encore. C’est l’histoire d’un rêve impérissable que seul un film est capable d’illustrer. »
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